- Écrit par : Rémy VOEGEL
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La danse de Saint Guy
Allons danser ! Connaissez vous les paroles du refrain de la chanson « Entrez dans la danse » de Gildas ARZEL ? « Entrez en confiance, entrez dans la danse, sans peur mais sans espérance, mais entrez dans la danse ». La danse peut-elle tuer ? OUI ! C'est arrivé à Strasbourg en 1518.
Contexte
1517, Martin LUTHER placarde sur la porte de l'église de Wittenberg ses 95 thèses qui allaient alimenter la révolte des paysans appelé « Bundschuh ». En 1525 des idées d'égalité allait mener au massacre de milliers de paysans. A partir de 1517, le désir de liberté s'était propagé dans toute l'Alsace. Les prémices de cette catastrophe trouve aussi son terreau dans la tourmente climatique. En 1514, les pousses gèlent dans le sol. L'été suivant, il pleut sans interruption et le fourrage pourri dans les granges. Incapable de nourrir leur bétail, les paysans sacrifient leurs cochons, vaches et moutons. Dans plusieurs villages, les habitants retournent leur colère contre les juifs. A Mittelbergheim, leur maison furent mises à sac et incendiées. Nous n'avons pas encore de documents concernant le sort de juifs de Valff , les premières sources de leur présence date d'un siècle plus-tard, mais Valff a de tous temps accueilli cette communauté.
Partout en Alsace, les juifs sont emprisonnés et faussement accusés de profaner l'hostie. A Strasbourg on arrêta aussi les tziganes. Comme souvent il faut des boucs émissaires. L'été suivant est catastrophique mais cette fois-ci c'est la canicule qui détruisit les récoltes. Le froment, l'orge et le blé, les choux et les navets séchèrent sur pied. Dans les collines autour d'Obernai la chaleur dessécha même les vignes. Le vin fut d'une qualité exceptionnelle mais de quantité dérisoire. Les religieux ordonnèrent la censure des écrits séditieux. A Rosheim les paysans se soulèvent. Le prix des denrées flambe. L'ambiance est explosive. La peur envahie la population ... Dieu ... Satan ... la superstition ... les croyances ... Qui nous envoie ces plaies ?
C'est alors que l'impensable se produisit. Le 14 juillet 1518, une femme désespérée du nom de TROFFEA, jette son enfant mort du haut du pont du Corbeau dans l'Ill. Sans explication elle se met soudain à danser sans musique. Elle est bientôt rejointe par une autre femme, puis une autre et finalement c'est une foule d'une cinquantaine de personnes qui se met à déambuler dans les rues. Elles dansent, les pieds en sang, le jour, la nuit dans une hystérie collective. Les observateurs et voisins sont médusés. Les danseurs tombent de fatigue puis après un petit somme se relèvent et reprennent la danse. Un jour, deux jours, trois jours ... Des musiciens se joignent à cette belle pagaie engagés par les autorités qui pensèrent arrêter la frénésie en l'encourageant. En plus, si le peuple danse il oublie ses malheurs. Au bout de 10 jours, les morts par épuisement se comptent par dizaines !
Grotte de Saint Vit
C'en est trop ! Maintenant place au pèlerinage. Les instances religieuses emmènent tout ce beau monde à la grotte de Saint Vit près de Saverne connue pour guérir des maladies bizarres. On leur chausse de chaussures rouges bénies, on les fait tourner autour de l'autel pendant que les religieux les aspergent d'eau bénite. Une messe ... et beaucoup furent guéris !
Thomas MURNER, théologien originaire d'Obernai, relata l'événement comme suit : « Une étrange épidémie a eu lieu dernièrement. Elle s'est répandue dans le peuple de telle sorte que, dans leur folie, beaucoup se mirent à danser et ne cessèrent, jour et nuit, sans interruption, jusqu'à tomber inconscients. Beaucoup en sont morts ».
Fresque romanes du 12 ème siècle de l'église Saint Blaise à Valff représentant des animaux mythiques et démoniaques
Explications
Cette étrange maladie attribuée à l'époque au diable ou à Dieu selon l'interprétation personnelle serait apparu au Vème siècle dans les couvents et chez les ermites. On recense des manifestations similaires dans toute l'Europe jusqu'au XVIIIème siècle. Dans le milieu médical, cette maladie est appelée vulgairement « Danse de Saint Guy ». Cette expression est passée dans le langage courant. On considère cette maladie comme une pathologie neurologique influencée par le psychisme qui pousse les victimes à des mouvements incontrôlés et involontaires.
Alors si l'envie de danser vous prend, pensez à vous arrêtez à temps !
PS : l'auteur Jean Teulé y consacre son dernier livre « Entrez dans la danse »