Valff est un petit village paisible. Depuis des temps immémoriaux la commune et les seigneurs d'Andlau tolèrent des résidents de confection israélite. La première mention date de 1614. Un acte de vente d'un terrain entre la rue Haute et l'ancien lit de la Kirneck à côté de la maison d'Adam le juif prouve leur présence date bien d'avant le XVI e siècle. Vers le milieu du 19e siècle la population juive maximum s'établit même à près de 140 personnes. A partir de cette date la tendance est à la baisse : 90 en 1885, - 65 en 1900, - 50 en 1905 pour tomber à 10 en 1939. En 1936 le manque d'effectifs oblige la désacralisation de la synagogue.

Extrait de la Tribune juive en novembre 1935

Le 22 mars 1936, c'est le jour tant redouté pour tous les participants. Une foule immense, tant juive que chrétienne se presse dans et au dehors de l'ancien temple juif. Le curé FALLER, le maire RIEGLER et l'instituteur GUGUSMUS représentent la commune. Les Dernières Nouvelles d'Alsace relatent l'événement. Un projet encourageant est présenté : il semble que la commune désirerait acquérir le bâtiment pour le transformer en maternelle ... Il servira finalement de hangar !

1940. Les juifs d'Alsace sont expulsés sur l'ordre du Gauleiter Robert WAGNER. Un de ces juifs est un ancien chantre itinérant qui avait fait retentir sa voix puissante dans l'ancienne synagogue de Valff : Félix WOLFF. Avec son épouse Alphonsine, née WEILL, ils choisissent de s'installer dans la région de Bourges dans le Cher. En 1942, la plaque « Rue des Juifs » y fut troqué par une plaque « Rue des Aryens ». Le décor est posé !

Félix WOLFF est chantre itinérant. Fils du chantre ARON originaire de Weinburg en Autriche, il naît à Hoenheim en 1877. Installé à Bitche, il épouse tardivement, à l'âge de 60 ans, Alphonsine WEILL, vendeuse rue Kuhn à Strasbourg. Félix WOLFF était souvent appelé dans les synagogues pour diriger les prières et les chants lors de grands événements comme les mariages. C'est ainsi qu'il officia à Valff dès le début du XXe siècle. En Hébreux, il est appelé le Hazan ou chantre en français. Félix WOLFF avait servi dans l'armée allemande durant la première guerre. Il fut même blessé ce qui lui conféra une pension d'invalidité pour une sclérose pulmonaire au poumon gauche. La famille WOLFF se sent en sécurité en zone libre.

Saint Amand, 1944. Philippe HENRIOT, collaborateur du Maréchal PETAIN, est assassiné à Paris. La fureur à Saint Amand comme ailleurs, envahi les miliciens. A St Amand ils sont à crans depuis que la famille d'un des leurs a été arrêté par les hommes du maquis. En représailles, la milice de St Amand aidée par la Gestapo de Bourges arrête et emprisonne la totalité des juifs de St Amand et environs soit 70 personnes. Du 24 au 26 juillet, 36 personnes sont emmenées en camionnettes en direction de la ferme de Guerry. Il faut faire vite les alliés progressent !

Un homme hébété et épuisé, les vêtements déchirés, raconte à qui veut l'entendre qu'il vient d'échapper aux balles des allemands. C'est Charles KRAMEISEN, juif polonais. Il a fuit la Pologne vers l'Allemagne pour y échapper au service militaire, puis d'Allemagne en Moselle pour échapper à l'antisémitisme, puis fuit la région occupée pour la France dite libre. Il raconte qu'il a fait partie de 26 juifs emmenés en camionnette de la prison du Bordiot où ils avaient été incarcérés. Le convoi s'est arrêté après un long voyage quelque part en rase campagne...

Les officiers Allemands assistés d'une trentaine de miliciens français ont fait descendre les occupants par groupe de six personnes. KRAMEISEN fait partie du dernier groupe. Après chaque évacuation, les restants entendent des bruits sourds à travers les bâches de la camionnette. Il décide de s'enfuir. Alors que les miliciens surveillent le reste des 8 hommes, il se jette à corps perdu en direction des taillis. Bravant les ronces et les balles qui sifflent à ses oreilles, il réussi miraculeusement à rejoindre une ferme proche. Elle est habitée par la famille GUILLAUMIN. Malgré les risques, le couple GUILLAUMIN soigne, nourrit et cache le malheureux. Ils seront appelés plus-tard à témoigner.

Camille GUILLAUMIN avec sa femme qui cacha Charles KRAMEISEN. Ils seront déclarés par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, juste parmi les Nations

Après la fuite des miliciens et des Allemands à cause de l'avancée alliés, on découvrira les cadavres au fond de plusieurs puits des 36 martyrs dont 8 femmes âgés de 16 à 85 ans. Les bourreaux les avaient enseveli vivants sous des pierres et des blocs en béton. Le chef de la milice Joseph LECUSSAN ainsi que Pierre PAOLI, agent français de la Gestapo, responsables du massacre seront arrêtés en Allemagne après la guerre et exécutés. Un autre milicien Roger THEVENOT est liquidé fin 1944. L'épouse de Charles KRAMEISEN fait partie des victimes ainsi que Félix WOLFF, l'ancien chantre de VALFF et son épouse Alphonsine née WEILL. Leurs noms sont gravés aujourd'hui sur une plaque commémorative à St Amand-Montrond.

Plaque commémorative de Saint Amand

Sources :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.