Quelle probabilité avait une voiture ancienne de 1925 achetée dans les Ardennes par un Valffois de retrouver les descendants de son premier propriétaire à … Valff. Une improbable histoire et un incroyable récit raconté par Frédéric VOEGEL.
En quête d'une nouvelle épave
Rémy VOEGEL n’en revient toujours pas, lui le passionné d’histoire, chercheur acharné de la vie d’autrefois à Valff mais aussi amateur de voitures anciennes, vient de vivre un scénario digne d’un film à suspense cet été. Tout commence à la fin des vacances. Depuis la fin de la restauration de la Peugeot 301, Rémy est à la recherche d’une nouvelle « épave » à restaurer, mais pas n’importe laquelle : un modèle d’époque, décapotable et qu’importe la marque. De retour des vacances, il consulte, comme il le fait régulièrement, le site d’annonces « Le bon coin » où il découvre en vente une Citroën B12 Torpédo de 1925 comme celle-ci.
(crédit image : Source Wikipedia)
« Comme cela faisait déjà quelque temps que j'essayais d'en acquérir une, j'ai rapidement téléphoné au propriétaire et conclu une date de passage ». Elle se trouve dans les Ardennes. Remorque porte-voiture à l’arrière, Rémy prend la direction des Ardennes avec son fils Alexandre… après avoir fait 750 km pour le retour des vacances, la veille. Quand on est passionné… C'était reparti pour de nouveaux 750 km aller et retour à travers le Luxembourg et la Belgique. « Sur place, je découvre une voiture en pièces détachées qui avait été restaurée par un ancien propriétaire. Ce dernier, décédé, la veuve avait offert la voiture (enfin ce qu’il en restait) au musée de Reims ». Le musée n'ayant personne pour la remonter l’a vendu sous forme d’un lot de voitures au nouveau propriétaire. Membre d'une association spécialisée dans les véhicules militaires (elle possède de nombreux véhicules de la dernière guerre et a même acquis un char Sherman), l’acquéreur, ne trouvant personne pour la remonter, décide de revendre la Torpédo.
A la recherche des descendants
Chargeant tant bien que mal toutes les pièces, les deux aventuriers rentrent à la maison à Valff. Les routes chaotiques des Ardennes obligent les conducteurs à vérifier régulièrement s'il n'y aurait pas des bouts de pièces de la Citroën qui commenceraient à trop dépasser sur les côtés de la remorque. Ils devront s'arrêter plusieurs fois pour resserrer les sangles d'attaches. Avec les pièces mécaniques, l’ancien propriétaire a remis à Rémy un petit classeur réalisé par l'ancien propriétaire et regroupant quelques documents du véhicule. Dedans, il y découvre notamment la copie d’une carte grise de 1928. Curieux comme d’habitude (vous l’aurez sûrement compris depuis longtemps en lisant ce site) et historien amateur, la première des démarches est de chercher l'historique du véhicule. Rémy décide donc de partir tout de suite à la recherche les descendants du véhicule grâce à la copie de cette carte grise de 1928 au nom d’un certain Camille PARETOUR localité à Saint-Martin de Ribérac en Dordogne (à 750 kilomètres… aussi de Valff).
Grâce à Facebook, il trouve un Daniel PARETOUR dans la région de Saint-Martin de Ribérac. « En consultant ses pages, je suis surpris de voir qu'il est passionné de voitures anciennes et spécialement des… Citroën. Il avait possédé une Citroën Rosalie de 1931 qu'il avait vendu dans l'émission avec Sophie DAVANT « Affaire conclue ». Il fallait que je le contacte pour en savoir plus ». Rémy lui envoie un message. La réponse ne tarde pas et ô surprise : il est l'arrière-petit-fils de Camille PARETOUR ! Le contact est noué. Daniel lui envoie la photo du permis de son arrière-grand-père et entreprend d'en parler dans sa famille.
(capture TV)
L’histoire aurait pu s’arrêter là si elle n’allait avoir une tournure inattendue et presque irrationnelle. Les échanges entre les deux passionnés se poursuivent. Dans la discussion, Daniel lui apprend que sa cousine Delphine CHAPELOU (également descendante PARETOUR) habite … à Valff comme Rémy ! Il doit être plus « facile » de gagner au loto que de retrouver un descendant du premier propriétaire d’une voiture de 1925 dans le même village que soi ! En plus, Jean-Pierre, le frère à Daniel, a programmé depuis plusieurs mois la visite et les vacances… en Alsace chez sa cousine ! (quand on vous dit que cette histoire est incroyable) ! « Si je n'avais entamé les recherches, les arrière-petits-enfants de Camille PARETOUR auraient séjourné à quelques centaines de mètres de la voiture de leur ancêtre sans le savoir ! Cette histoire s'est déroulée en un mois de temps et ce sont deux familles qui vibrent à chaque nouvel épisode. Je me suis même demandé si le compteur kilométrique de la voiture n'affiche pas le code postal de St-Martin de Ribérac ! » ironise Rémy. En fait, elle ne comptabilise que 6 593 km. Presque comme neuve !
Un descendant dans le même village !
Lorsque Delphine CHAPELOU a appris la venue de son cousin Jean-Pierre pour voir la Torpédo à Valff, elle a tout fait pour bien l'accueillir. Les contacts entre Rémy et les descendants de Camille PARETOUR ont été un réel plaisir. Jeudi dernier, la visite pour voir la Torpédo s'est faite avec émotion pour les trois intervenants. Rémy leur a montré ses autres véhicules de collection (une Peugeot 201 Coach de 1936 et une Peugeot 301 de 1936, l'une des 1100 voitures 301 produits dans cette carrosserie, Rémy possède le n°1047 partie de Sochaux à Alger puis rapatriée dans le Territoire de Belfort, achetée par l'inventeur du Thermolactyle). La Torpédo B12 leur rappelle une anecdote transmise dans la famille. « Anne-Marie et Guy PARETOUR, petits-enfants de Camille, avaient l'habitude de jouer avec la Torpédo garée sur le terrain du domaine près d'un étang. En tripotant les pédales et autres pièces, ils ont desserré le frein sans s'en rendre compte et ont failli noyer la voiture qui a roulé et pris de la vitesse en direction de l'étang du domaine. D'un dernier coup de volant sauveur, ils stoppèrent la course du véhicule contre un arbre ». Cela a réveillé d'autres souvenirs chez Rémy. Il se souvient que la première voiture propriétaire d'une personne de Valff était une B2 Citroën torpédo (presque identique à la B12) de la famille KORMANN conduite par KORNMANN Albertine, la grand-mère d'Edith BILOT. Le curé du village avait à l'époque fait cette réflexion du haut de la chaire : « Si maintenant les femmes conduisent une voiture, où allons-nous ? ». Autrefois, à la campagne, on voyait les voitures d'un mauvais œil, elles étaient souvent caillassées par les villageois.
Après cette première rencontre, Rémy décide de ne pas faire d'objection à ce que la voiture soit rachetée par la famille PARETOUR et retourne dans le bien familial. Il ne faut pas faire opposition au destin. « Tant de circonstances improbables me rappellent qu'il y a quelques mois, j'avais entrepris de chercher une autre Torpédo. C'était une Renault NN. Après quelques kilomètres de route des 650 qui me séparaient de la voiture, un voyant défaut moteur s'alluma sur le tableau de bord de la voiture. Tant pis, nous décidons de poursuivre la route. Au bout d'une vingtaine de kilomètres, le pneu de la remorque porte-voiture nous dépasse sur l'autoroute, la valve était défectueuse et la roue s'était dégonflée alors que j'avais vérifié la pression la veille, mais comme nous avions pris la route dans la nuit, je n'avais pas constaté ce détail. Cette fois-ci c'était la fin du voyage ! Je me suis consolé en me disant que l'achat ne devait pas se faire, j'ai donc décommandé ma venue. Si j'avais acheté cette voiture, je n'aurais jamais acheté la B 12 ... ». C’était écrit quelque part.
Dans quelques jours, Rémy VOEGEL rendra la Torpédo à la famille de son ancien propriétaire qui lui a assuré la remettre en état d'origine, chez lui en Dordogne. Rémy a également cédé les pièces de la Torpédo remises en état par ses soins dont une sacoche en cuir d'origine ainsi que le klaxon trompette. L'histoire a été plusieurs fois reprise par les journaux des deux régions concernées.
La famille PARETOUR a invité Rémy à venir les voir à Saint-Martin de Ribérac dès qu'elle sera en état de rouler. Une belle manière de conclure cette incroyable histoire débutée… en 1925 !