Manger bio et naturel comme autrefois. Vrai ou faux ? Depuis quand utilise-t-on des produits chimiques dans nos campagnes et particulièrement à Valff ? Une réponse partielle nous est dévoilée avec l'histoire et la guerre menée contre la sanve. 

Histoire de mauvaises herbes ou la parabole du blé et de l'ivraie

Florent WUCHER, un paysan de Valff a écrit dans ses mémoires en 1812 : « Cette année débuta fort agréablement jusqu'au 15 avril. À partir de cette date, le temps changea en morose jusqu'en hiver. On a dû étaler la récolte des foins pendant 6 semaines. Le foin du Bruch s'est ramassé dans l'eau. Toute l'année les prés du Bruch étaient inondés ! Les autres terres n'ont produit que des mauvaises herbes. À cause des inondations, on n'a rentré le seigle que le 8 septembre (jour de Mariageburt). Le total des récoltes a été de moitié de celles des années passées… et pas une goutte de vin. À la Saint-Martin le blé coûtait 60 francs, en octobre 80 et à Pâques jusqu'à 124 francs ! L'orge 30 puis 50 puis 80. Un hiver très chaud succédera à cet été sans chaleur ».

Connaissez-vous la sanve ?

Le Sanve - Sinapis arvensis - est un synonyme de moutardier ou moutarde des champs. C’est une annuelle présente dans tous les types de sols et levant toute l’année avec une préférence pour le printemps. Elle gêne pourtant davantage dans les cultures de blé d’hiver que dans les maïs. En effet, le « zéro de végétation » des Brassicacées (Crucifères, reconnaissables à leurs 4 pétales en croix) serait inférieur à celui du blé. Celles-ci prennent donc le dessus sur la culture pendant l’hiver systématiquement.

Autre information importante : le TAD pour Taux annuel de dégénérescence. Il s’agit du pourcentage de semences de mauvaises herbes qui meurent ou sont mangées chaque année. Dans le cas de la moutarde des champs, il est estimé à 40%, ce qui signifie que le stock de semence d’une année sera détruit à 95% au bout de 6 ans (5% restant viable). On dit qu’il s’agit d’un TAD moyennement persistant. La moutarde des champs n’aime pas le gel, et peut disparaître dans les cultures d’hiver suite à des épisodes de froid intense.

En 1902, on s'attaque à l'éradication expérimentale de la sanve dans les cultures de Valff. Cet épisode est vraisemblablement à l'origine du surnom que de mauvaises langues attribueront aux Valffois : Les Haderi [En savoir plus].

C'est le Journal Agricole d'Alsace-Lorraine qui relate cet épisode. Tout au long de ses publications, entre 1900 et 1940, on découvrira des expérimentations d'apprentis chimistes et une foison de conseils prodigués aux agriculteurs pour les aider à faire crever ces satanées mauvaises herbes. 

Petite histoire et chronologie des désherbants en Alsace

XIXe siècle : les mauvaises herbes, dont les sanves, les moutardons ou radis des champs qui ont une sale habitude de se glisser entre les semis de céréales, sont freinées par le seul labour, le froid des hivers rigoureux et un semis dense. Les graines nuisibles se répandent aussi avec le fumier du bétail qui survivent à la digestion de l'animal et qui n'attendent qu'un bel épandage pour prospérer. La paille d'avoine en est remplie. 

1900

Apparaissent les premiers pulvérisateurs. C'est le début de l'utilisation en l'arrosage de sulfates de fer appelé également vitriol vert ou de sulfates de cuivre dit vitriol de cuivre. La dose pour 1 litre variait autour de 15% pour le sulfate de fer. Ce que nous utilisons aujourd'hui pour le gazon était utilisé autrefois pour les céréales et consommées par les hommes. Miam-miam. Extrait du site gamme vert :

Une circulaire du Prof. Dr. Franck de la commission allemande d'agriculture conseillait en 1900 :

Malgré les premiers essais, les récoltes ne sont toujours pas satisfaisantes. Le rapport de 1901 est décourageant :

La carie du blé a disparu depuis les années 50. Elle a néanmoins fait sa réapparition en 2020 avec l'utilisation de semences non traitées. La folle avoine ou avoine sauvage est une plante herbacée. Depuis 1985, on constate une résistance à de nombreux herbicides, comme la cuscute ou la hernie du chou.

1901

On continue à tester. Aux produits cités plus haut, on ajoute maintenant le sel de potasse, le sulfate d'ammoniaque ou le nitrate de soude, de la chaux-azote ou cyanamide de calcium, de la Kaïnite de sel de magnésium et de potassium. Ces engrais servent à booster les semailles et les céréales pour étouffer les mauvaises herbes. 

Comme indiqué plus-haut, Valff est donc à la pointe de l'expérimentation et on ne manquera pas de passer rapidement au stade de la mécanisation.

 

Faisons un bond en 1927. C'est désormais au tour de l'acide sulfurique de servir de grosse artillerie, pourquoi pas ? On l'appelle le vitriol fumant, Même pas peur !

Sujet traité lors de la Comice Générale d'agriculture de Colmar le 5 mai 1927 :

Publicité de 1937

Épilogue et constat

Sources :

  • Gallica
  • Journal Agricole d'Alsace-Lorraine
  • Extrait du site Produire BIO

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.