Un gendarme décoré de la Légion d'honneur, c'est bien ! Ce gendarme chevalier né à Valff, c'est encore mieux ! Qui était-il ? Que pourrions-nous découvrir sur sa vie ? Qu'il a défilé en tête au cortège de Napoléon III ? Aux archives ... et c'est parti !
François Joseph LUTZ
La recherche n'est pas difficile, tous ses faits d'armes sont classés dans les archives nationales et la base de données Léonore. Commençons par ses origines :
Un extrait du registre de naissance de Valff indique : François Joseph LUTZ, né à Valff le 16 mars 1826, fils de Symphorien LUTZ, 41 ans, sellier et de Firmina SOHLER. L'accouchement a eu lieu dans la maison n°51 à six heures du matin. Témoin, le frère du déclarant Joseph LUTZ, tonnelier et Chrétien SCHWARTZ, maréchal ferrant et ami.
Les numéros de maison en 1826 ne correspondent plus aux numéros actuels
Ses faits d'armes
11 juillet 1848, François est incorporé au 4ᵉ Régiment de Dragons en remplacement de Michel Joseph CONSTANT de la classe 1847, inscrit sous le n°414 sur la liste du contingent du département de la Marne. Il est admis en garnison à Chambéry sous les ordres du Colonel AUGENOUST le 23 juillet. Pendant ce temps, sa famille s'est s'installée dans les années 1840 à Itterswiller, au lieu-dit « Aussendorf » à côté de la famille de Firmina, sa mère, où elle est née.
En 1849, il passe au 5ᵉ escadron des guides de Chamonix, puis au 3ᵉ escadrons des guides le 9 août 1850 puis au régiment des guides le 1ᵉʳ novembre 1852. Chaque escadron est composé de 160 hommes, officiers compris. L'uniforme des guides est ainsi décrit : « Habit bleu boutonnant droit au moyen d'une rangée de 9 gros boutons, collet bleu avec patte à trois pointes cramoisi, parements bleus en pointe, patte des basques bleu, avec doublures cramoisies, pantalon bleu à bande de drap cramoisi, schako cramoisi avec ganse bleu et pompon cramoisi, épaulettes et aiguillettes, sabretache ».
Caserné à l'école militaire, le régiment de 1200 hommes est pour la première fois passé en revue par l'Empereur Napoléon III le 30 janvier 1853 à l'occasion des cérémonies de son mariage. Les Guides reçoivent un traitement de faveur de la part du régime impérial, puisqu'un peloton du régiment est systématiquement désigné pour faire l'avant-garde de l'escorte du souverain. Il est aussi employé pour l'organisation des chasses impériales, des guides servant de rabatteurs et d'escorte aux invités de marque. Il est libéré le 1er juin 1855.
Il semblerait alors que François ne supporte pas la vie civile puisqu'il rempile au même régiment le 22 août de la même année comme engagé volontaire pour sept ans à St-Germain en Laye (Seine et Oise).
Caserne Gramont St-Germain en Laye
Construites vers 1670 les écuries du manège abritaient les chevaux du roi. Au début du XVIIIe siècle, elles servent aux chevaux du dauphin et de la Reine d'Angleterre, puis sous Louis XV abritent à nouveau la grande et la petite écurie. Intégrées à l'école militaire de cavalerie sous l'Empire, elles furent affectées sous la restauration à la compagnie de Grammont, l'une des quatre compagnies de gardes du corps de la maison du roi. 5 septembre 1857, François change de régiment. Il sert maintenant au 6ᵉ régiment des lanciers. Il est lancier de 2ᵉ classe le 11 septembre. 24 septembre 1861, il passe au 8ᵉ régiment de lanciers et est nommé cavalier de 1ʳᵉ classe le 7 février 1862. Il est rengagé pour deux ans le 3 juin puis rempile le 24 août 1864 pour 3 ans.
Par décret du 14 mars 1863, décoré de la médaille militaire. 5 mai 1864, il est nommé brigadier.
Cavalier du 8ᵉ régiment de chevau-légers lanciers
Carrière dans la gendarmerie
Le 17 décembre 1864, François Joseph LUTZ est incorporé dans la garde à pied de la Garde de Paris. Il arrive au corps le 28 décembre. 22 août 1867, il se réengage pour six ans. À son actif : la campagne militaire contre l'Allemagne pendant la guerre de 1870-71, puis en service lors des affrontements de la Commune de Paris.
Par décret du gouvernement du 10 septembre 1870, la Garde de Paris a reçu la dénomination de Garde Républicaine. Le 21 août 1871, François passe gendarme à pied à la Légion de Gendarmerie Mobile. Le 30 octobre 1872, François Joseph LUTZ est démobilisé. Il aura passé en tout 24 ans, 2 mois et 29 jours au service militaire dont huit ans comme gendarme. Le 10 juin 1872, il opte pour la nationalité française et se retire à Itterswiller. Désire-t-il finir paisiblement ses jours dans cette localité en se consacrant à la culture de la vigne chez son frère Xavier, viticulteur qui y est installé avec sa femme ?
Liste des optant pour la nationalité française (Bulletin des lois de la République française)
Il est officiellement libérable le 22 août 1873. Le retraité LUTZ se retire à Paris le 1ᵉʳ novembre 1873, la campagne alsacienne, trop tranquille, ne lui convient finalement pas. Il prend domicile au 128, rue du Faubourg Honoré à Paris.
Distinction
François Joseph LUTZ est nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 31 décembre 1872.
Signes distinctifs
Il mesure 1 mètre 70. Visage ovale, front droit, yeux bleus, front relevé, bouche petite, menton rond, cheveux et sourcils châtains.
Traitement annuel de 100 frs le 1ᵉʳ mai 1872. En 1872, le traitement passera à 250 frs et sera totalement suspendu à partir du 1ᵉʳ semestre 1973, date de sa mise en retraite
Nouveau versement de la pension de retraite en 1888. François a 62 ans. Sa signature est maintenant hésitante
Bonne nouvelle, incroyable : notre militaire se marie ! 🥳
La belle choisie s'appelle Jeanne Marie VUILLERMET. Mais rassurez-vous ! Ce n'est pas une jeunette, elle est même plus âgée que François, elle est née en 1822. À 51 ans pour elle et 47 pour lui, ils se sont unis, pour le meilleur et pour le pire, par les liens sacrés du mariage jusqu'à ce que la mort les sépare le 2 octobre 1873.
L'idylle ne durera que jusqu'en 1890. Ils ne sont pas morts à Paris, mais à Neuilly-sur-Seine (quartier chic de banlieue, proche de Paris, l'ancien Président Nicolas SARKOZY y a été maire pendant plus de 20 ans). Elle, décède le 9 novembre 1890 à Neuilly-sur-Seine dans sa maison, rue du Pont n°4. Il est témoin. Le second témoin est « Aucun parent », un collègue à lui (un gendarme à la retraite).
François Joseph LUTZ n'est plus. Il est décédé à Neuilly-sur-Seine le 12 mai 1999. L'armée lui réservera les honneurs militaires. Il est décédé (veuf) le 12 mai 1899 (déclaration le lendemain par neveu et nièce) à son domicile rue du Pont n°4 à Neuilly-sur-Seine. Les deux témoins sont François Antoine LUTZ, 47 ans, boucher à Paris 3ᵉ arrondissement et sa nièce Marie-Louise LUTZ, 28 ans, femme de ménage à Paris 16, la fille de Louis.
Sources :
- Archives militaires
- Généanet