- Écrit par : Frédéric VOEGEL
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21 septembre 1924 Toute la population de Valff est sur son 31. C'est un grand jour ! Mais qu'est-ce qui peut bien motiver une telle liesse ? Revenons quelques années en arrière...
17 mai 1917.
Deux cloches de l'église de Valff, tout comme celles des villages et villes d'Alsace, sont réquisitionnées sur ordre des autorités militaires allemandes. Elles seront fondues pour alimenter les usines d'armements. Le même métal qui pleurait, hier encore, la perte d'un mort servira à faucher des centaines d'autres ! Selon le livre de P. MEYER-SIAT le poids des cloches de l'église St-Blaise était de 678 et 443, soit un total de 1121 kg. 3446 Marks seront remboursés à la commune, mais tout l'argent ne remplacera pas le patrimoine perdu.
Selon le père de Madeleine HIRTZ, sis au n°58, la photo ci-dessous a été prise à Strasbourg devant l'entreprise de charpente STOCKREISSER qui a procédé au démontage des cloches. La commune de Valff a payé 175 Marks pour le démontage puis le transport à Strasbourg de ses cloches.
Poème composé par Charles Zumstein en souvenir du "Glockenraub", le vol des cloches.
1 mars 1917 Un avis adressé aux communes d'Alsace décrète l'obligation de livrer certaines cloches des édifices religieux
Règlement relatif à la réquisition des cloches :
- Pour toute livraison volontaire avant le 30 juin 1917, les autorités proposent une prime supplémentaire d'un Mark par kilo. La commune de Valff, patriotique, ne fait pas dans les sentiments et livre ses cloches déjà le 17 mai. Il faut dire que tout refus signifiait la prison et une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 Mark.
- Les cloches ne doivent pas être brisées. Elles doivent être descendues avec douceur et munies d'un poinçon de reconnaissance. On promet que les cloches non fondues seraient restituées.
- Sur demande expresse, l'armée peut être demandée en renfort pour le démontage.
- Pour chaque commune, la plus petite cloche sans intérêt artistique du groupe A (cloches réquisitionnées) peut être conservée. Groupe B, les cloches d'un intérêt artistique moyen sont, pour le moment, conservées. Les cloches du groupe C d'un grand intérêt artistique sont exclues.
Photo prise à Strasbourg devant l'entreprise de charpente Stockreisser
https://www.youtube.com/watch?v=rVuKLxx-ETY
1924
Fin de la Première Guerre mondiale. Le « Courrier d'Obernai » relate :
« Dimanche 21 septembre 1924, notre clocher va accueillir ses deux nouvelles cloches, escortés de la gare d'Obernai au village en grande pompe. Le baptême a eu lieu dimanche. Le village s'était habillé très richement, pas moins les pompiers dans leur nouvel uniforme, qui n'étaient jamais aussi fiers. Le vicaire général KOLB a présidé les célébrations du baptême. Le recteur, l'abbé Léon STIEGLER d'Obernai, a reçu une bonne note de la part de notre population pour son beau et sincère sermon. Le chant de l'église, sous la direction sensible de M. LEYDER, a affirmé leur ancienne renommée en tant que meilleur chant d'église du canton lors de la grande messe solennelle. Les cloches sont dédiées à sainte Trinité et le saint patron de la paroisse Hl. Blasius. Il ne faut pas oublier qu'Auguste VOEGEL est l'un des généreux donateurs. L'association de musique de Bernardswiller « Echo » a également partagé le jour heureux avec les baleiniers et a participé au défilé à travers le village. L'effet final fut la pluie et la distribution des fèves à sucre, dont les nombreux étrangers venus expressément pour l'évènement, mais surtout les jeunes du village sont éperdument amoureux ».
Pour plus de détails concernant les cloches, les noms des donateurs et donatrices, voir : L'église paroissiale Saint Blaise
Transport organisé par Mathieu KORRMANN des deux nouvelles cloches au départ de la gare d'Obernai
Un correspondant du journal "Der Elsässer" est également présent : il écrit :
« Depuis des semaines, de diligentes mains se sont évertuées à embellir et à parer le village pour la grande fête. Dès que le vicaire général Kolb https://www.alsace-histoire.org/netdba/kolb-marie-joseph-charles/et le recteur Stiegler d'Obernai sont arrivés à la gare de Goxwiller, ils ont été accueillis en grande pompe par les pompiers, fraîchement équipés, la chorale et les membres de la fabrique de l'église. Tout le cortège avec en tête les parrains, marraines qui ont financé les nouvelles cloches s'est rendu à l'église pour une messe inoubliable. La chorale d'Obernai sous la direction du professeur Meyer a animé la célébration. Après l'office, toutes les personnalités se sont retrouvées pour un festin au presbytère agrémenté par les chants de l'association musicale de Bernardswiller. À la fin du repas, le curé Faller a levé son verre en toast en l'honneur des représentants religieux, des bienfaiteurs, particulièrement à Auguste VOEGEL (entre-autres) qui a financé une des deux cloches et de Mr le maire Kleiber . »
Curé Faller
« C'est la fonderie Causard de Colmar qui a livré et expédié les deux cloches à la gare d'Obernai. Après avoir été chargées sur le camion de Mathieu Kormann, elles ont été promenées en grande pompe à travers tout Obernai puis Niedernai, Meistratzheim et enfin toutes les rues de Valff. Les hourras de joie ne se sont jamais tus, d'après le journaliste ! »
À partir du début des années 20, le même rituel se perpétuera à travers toute l'Alsace, village après village.
1920 : Bischoffsheim,
1921 : Robertsau, Reicheweier (Riquewihr)
1922 : Soufflenheim, Weitenbruch (Weitbruch), Hersbach (Wisches), Fessenheim,
1923 : Stotzheim, Lampertsloch, Ichtratzheim, Aschbach, Mulhouse, St-Pierre le jeune à Strasbourg, Niedernai, Romanswiller, Reichsfeld, Innenheim, Mutzig, Kilstett, Osthoffen, Breitenbach etc...
Les fondeurs alsaciens avaient de beaux jours devant eux ! Les monuments aux morts allaient suivre !
http://wintzenheim3945.free.fr/E08A_BaptemeCloches/Bapteme.htm
L'arrivée des cloches dans le village se fera en grandes pompes le 8 septembre 1924.
De gauche à droite : Florent SCHULTZ (n°121), Emile ROSFELDER (n°187), Charles VOEGEL (n°188), Joseph JORDAN (n°138), Eugène MULLER (n°88, Florent ROSFELDER (n°231), Emile RIEGLER (n°199), Emile PETER (n°191) et Charles HIRTZ (n°282)
Ensuite, le corps des sapeurs-pompiers se met en parade devant l'église pour une photo souvenir.
De gauche à droite : Joseph FREYDER (n°205), Xavier HIRTZ, Aloyse MOSSER, Georges MICHEL, Eugène LUTZ, Joseph FREYDER (n°153), Albert VOEGEL, Joseph VOEGEL (n°66), Joseph HIRTZ, Georges SPECHT, Eugène RIEFFEL, Joseph VOEGEL (n°281), Emile LOEWERT, Auguste OERTHEL, Joseph BURGSTAHLER, Joseph SCHULTZ, Florent SCHULTZ, Joseph ROSFELDER, Aloyse KOECHLER, Wilhelm LEOPOLD, Charles VOEGEL, Paul VOEGEL, Georges LUTZ et Emile PETER
Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale éclatera quelques années plus tard et deux décennies plus tard, elles feront, à nouveau, le chemin inverse. Réquisitionnées une seconde fois durant l'occupation allemande, elles seront redescendues en mars 1944 sous les regards incrédules et les mines figées des villageois.
Paul VOEGEL (n°200a)
Marthe HIRTZ, Gérard VOEGEL (enfant) et Emma LOEWERT
Elles retrouveront leur place un peu plus tard et sont toujours en place dans le clocher [en savoir plus : L'église paroissiale Saint Blaise].
Source : Fond Antoine MULLER, gallica
Merci à Josy pour l'accès au clocher
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