Dans le premier volet de notre enquête concernant le spécimen Théobald QUIRIN, nous avons pu constater sa personnalité de mytho et de mégalomane. L'affaire a été suffisamment étoffée, mais on pourrait se poser la question : que devient un homme de son acabit ? De nouvelles recherches nous ferons découvrir que finalement, on ne change pas une équipe qui gagne ... ou dans son cas qui perd !
La période après condamnation
Nous avons laissé notre séducteur sur un divorce douloureux et un remariage un an après sa condamnation. Pour rappel, le 4 avril 1911, il célèbre noce avec la fille d'un marchant importateur colonial décédé. La naïve Anne-Marie ZIEGLER s'est laissée charmer par le beau-parleur Théobald de 32 ans. Que va-t-il faire maintenant que ses parents lui ont coupé les vivres après son escapade à Valff ? Rappelons qu'il avait escroqué pour plus de 4500 frs et fini en prison.
Prison dans la rue du Fil à Strasbourg
QUIRIN sait bien faire une chose, marchander. C'est donc naturellement qu'il se fait appeler, le marchand QUIRIN. En avril 1921, on retrouve notre marchand englué dans une nouvelle affaire d'escroquerie. Il est condamné à un an de prison pour avoir, avec un complice, vendu trois caisses de parfum que lui avaient confié un certain Monsieur HEIM d'une valeur de 4000 frs et deux caisses de vanille valant entre sept et huit mille francs appartenant à Monsieur GIRARD. QUIRIN les a tout simplement écoulé à son bénéfice. Non seulement les deux compères devront rembourser, mais en plus payer une amende de 1500 frs de dommages et intérêts.
La leçon a-t-elle servie ?
Juillet. QUIRIN vient à peine d'être condamné, qu'il est à nouveau jugé dans une autre affaire, cette fois pour trafic de fausse monnaie d'argent français ! C'est 50 frs d'amande ! Il s'en sort plutôt bien. Son complice, le même que dans l'affaire précédente, Eugène SCHALK de Sarreguemines et l'employé de banque Louis MICHEL ont écopé chacun de 300 frs. Un troisième larron, Charles FREISS, à 100 frs. Toute la bande ainsi qu'une complice d'Haguenau sont condamnés par contumace puisqu'ils sont déjà logés au frais par la justice.
19 août 1931
Rebelotte ! QUIRIN est à nouveau jugé. L'homme de 52 ans, sans domicile fixe maintenant, est accusé de faux et usage de faux par la gendarmerie du 6ᵉ district de Strasbourg et de vol, faux et abus de confiance par la gendarmerie de Schiltigheim. Employé en tant que comptable dans la briqueterie Alsacienne à Souffelweyersheim, il a profité, lors d'une mission de payement de chèques de la société dans une banque de Strasbourg, pour mettre les sommes recueillies à son profit. Naturellement, le lendemain, il ne réapparut pas à son travail. La direction découvrit également qu'il manquait des lettres de change vierges et un tampon de l'entreprise.
Lettre de change
Dernières Nouvelles d'Alsace du 19 octobre 1951
Notre aigrefin établit une série de fausses lettres de change à la charge de clients de la briqueterie et se fit remettre, en espèce, les sommes récoltées par le caissier d'une banque de Strasbourg. QUIRIN justifiera son geste avec l'intention de payer ses dettes. Mais oui, mais oui !😈
Le 4 août, il est arrêté pour la première fois par la sûreté, mais profitant de l'inattention du policier qui l'amène au tribunal, il file en douce.
Cour intérieure, commissariat central de police, rue de la nuée bleue à Strasbourg (Fond BLUMER, archives de Strasbourg)
Après s'être caché quelques jours dans les alentours, il réapparait à Strasbourg où l'Inspecteur de la Sûreté REEB le coince pour de bon. Cette fois, il a la joie de se promener en ville avec des menottes.
Le jugement
À l'époque, les jugements ne tardaient pas. On appellerait cela, aujourd'hui, une comparution immédiate. C'est ainsi que le 30 août, le tribunal le condamne, pour la énième fois, à huit mois supplémentaires de prison ferme dans l'établissement pénitencier, qu'il semble tellement affectionner, de la rue du Fil à Strasbourg. La justice n'étant pas centralisée comme de nos jours, on finit par cumuler le préjudice à 2778 frs ! La sentence, avec le pédigrée du bonhomme, est relativement clémente. 2778 frs de 1931 représenteraient aujourd'hui la somme de 198 422 euros ou encore 88 euros par jour de prison !
2 décembre 1932
À peine la porte de la prison refermée derrière lui, après ses huit mois purgés, QUIRIN se rend chez une connaissance dans le Krontal. C'est un honnête commerçant, Monsieur TOBLER & Cie de Marlenheim, qui lui offre une nouvelle chance. Malhonnête un jour, malhonnête toujours ? Thiébaud QUIRIN remet ça ! Il commande au nom de l'entreprise de son bienfaiteur une importante livraison d'habits qu'il écoulera à son compte. L'ancienne entreprise en difficulté et qui était déjà en liquidation n'avait pas encore besoin de ça. Retour rue du Fil ! C'est dans un bel habit rayé, qu'il connait bien maintenant et qu'il semble aimer, qu'il se présente devant le juge. Quatre mois de prison, seulement !
Épilogue
Sa deuxième épouse Anne-Marie ZIEGLER est retournée, entre-temps, vivre dans sa région natale du Haut-Rhin. C'est le tribunal d'Instance de Mulhouse qui délivrera l'acte de dissolution de mariage avec Thiébaut QUIRIN. En mars 1938, elle reprend sa liberté, fatiguée des frasques de son époux, l'incorrigible faussaire et voleur de mari. La vie de Thiébaut QUIRIN pourrait s'intituler « Itinéraire d'un enfant gâté » mais le titre est déjà pris, dommage !
Quirin a forcément appris la mésaventure de son homonyme Émile, dont la famille était originaire de Bernardswiller, qui fut décapité le 8 février 1928 pour le meurtre d'un maréchal des Logis. On amena ce dernier, au petit matin, devant une foule serrée de curieux assoiffés de spectacle, sur la petite place devant la prison de la rue du fil à Strasbourg où était érigée la machine à trancher. Ça se passait comme ça à Strasbourg et cela... il n'y a pas si longtemps… ! 😨
Source : Gallica