En janvier 2023, la commune a procédé à la réhabilitation du parvis de l'église St-Blaise et pose des écoulements du bâtiment.
Afin de stabiliser le terrain avant la pose des pavés, l'entreprise avait décaissé les abords de l'église sur une profondeur d'environ 80 cm et a enlevé la sous-couche de glaise collante et instable provenant vraisemblablement du creusement des douves, et qui avait permis à l'époque aux constructeurs de surélever le niveau de la forteresse du château. Les douves du dernier château datant du XVIe siècle étaient alimentées par l'eau de la Kirneck, dont le lit avait été dévié à l'ouest et le haut du village et dont la nouvelle partie creusée était appelée par les anciens au XVII siècle « Der neue Bach » (la nouvelle rivière). On profita de cette nouvelle source d'énergie pour installer un moulin, d'où l'origine du nom de la rue citée déjà en 1668.
Plan du XVIIIe siècle
Plan de Cassini du début XVIIIe siècle
Les fouilles
De premières découvertes lors des travaux d'assainissements en 2022, avec, entre-autres, la découverte des restes du pont-levis, ont été relatées dans l'article de l'histoire des accès au château et à l'église Saint Blaise.
La présence d'un cimetière primitif avait été sommairement confirmée lors de ces travaux avec l'exhumation d'une dépouille à droite de la tour de l'église. Son existence est sans équivoque avec les découvertes de 2023. Pas moins d'une dizaine de tombes ont été mises à jour sur le côté gauche de l'église.
Premiers constats
Au fur et à mesure de l'avancée des travaux, le petit tas d'ossements s'est agrandi d'heure en heure. Il est décidé de redonner à nos ancêtres Valffois une sépulture digne.
Comme on peut le constater sur la photo, la première surprise a été la faible profondeur de l'ensevelissement des corps : à peine une quarantaine de centimètres en moyenne. Sur un seul squelette, il a pu être constaté les rares traces conservées de planches. Aucun corps ne portait d'artéfacts qui auraient accompagné le défunt.
La découverte des os de jambes bien conservés nous a galvanisé (images précédentes). En grattant la terre, tout en remontant vers la tête, sont apparus les cotes, puis une clavicule, les omoplates et les fragments et restes d'un crâne. L'individu qui devait mesurer entre 1,20 mètre à 1,50, nous a dévoilé sa mâchoire inférieure, mais rien d'autre. Et oh, stupeur ! La mâchoire présentait les traces que de 6 à 8 petites dents. Quelle est cette anomalie ? 6 petites dents de lait sur un corps mesurant plus d'un mètre ? La dentition d'un enfant de 6 mois à 1 an ? Pas de trace de molaires, même pas de germe de molaire !
Puis, une hypothèse : et si la mâchoire retrouvée n'appartenait pas au reste du corps. Et si la mâchoire appartenait à un bébé posé et enterré à côté de la tête de sa mère dont nous n'aurions pas retrouvé tous les restes ? Triste découverte !
Une fosse à ossements, jetés pêlemêles près de là, pourraient être les restes des sépultures déterrées sur l'emprise, lors de la construction et l'agrandissement de l'église actuelle en 1740 (voir sur le plan ci-dessous).
Certains corps ensevelis reposaient sur une couche de gravats, de bois consumé et de pierres en grès, dont des traces noires, vraisemblablement des suites d'un incendie. Toutes les sépultures étaient disposées dans l'alignement de la nef de l'église avec les têtes posées côté Vosges. D'après l'emplacement des os, certains ont dû avoir les bras croisés sur le ventre.
Pierre taillée provenant probablement d'une église primitive incendiée
En dessous d'une sépulture, située près du chœur de l'église, devant le transept gauche, a été déterrée cette pierre (ci-dessus) en grès taillé. Sous le niveau de la pierre ont été découverts des fragments de céramique fine noire, des fragments de tuiles jaunes et rouges et des ossements plus anciens. L'humidité et la consistance glaiseuse du terrain ont rendu les fouilles difficiles.
Le décaissement du terrain a pu délimiter l'implantation de restes de l'enceinte défensive ainsi que les fondations d'une maison d'habitation (voir plan).
Sous le muret devant les haies, les restes de l'ancienne enceinte du château
Des traces d'une implantation datant du haut-moyen âge
À la hauteur de la dernière maison d'habitation et le mur d'enceinte sur la gauche, il y a des fondations anciennes. Près de cette fondation a été mise à jour une tuile en argile jaune dite « tuile canal à bec ». La tuile était posée sur le lattage du toit avec le bec d'accroche situé sur la partie arrondie. Des tuiles vernissées datant d'avant celles coiffant le clocher actuel et des restes de l'habillage d'un four Kacheloffe complètent les trouvailles à cet endroit.
Tuile canal à bec datant du haut Moyen-age
Art gothique en Alsace par Frédéric CONSTANTINI
Tessons de tuiles vernissées. La couverture du clocher a été remplacée en 1925
Restes d'un four appelé Kacheloffe
Le meilleur pour la fin
Sur le côté droit de l'église, la pelleteuse a mis à jour une tige en fer d'un autre âge. Certains n'y verront qu'un vulgaire morceau de fer rouillé. D'autres, les restes d'un vieux tisonnier,
Et puis quelques rares, quelques romantiques inconditionnels, quelques lectrices sentimentales adeptes de romans de capes et d'épées affirmeront : « Mais quoi ? C'est un fleuret ensanglanté, abandonné après le duel épique d'un beau gentilhomme, qui a défendu l'honneur de sa belle offensée, qui a combattu et affronté avec bravoure et vaillance, jusqu'à la mort, a succombé ... qui, quelques secondes avant de baisser ses paupières pour l'éternité, avant de fixer, dans un ultime instant les yeux suppliants, les yeux baignés de larmes chaudes ... sa bien-aimée, inconsolable et effondrée ... qui, dans un ultime instant pathétique, s'est éteint après un soupir inaudible ! » 😭
C'est fou, quand même, ce que l'on peut déterrer, non ? (toutes les informations relatées dans cet article ont été vérifiées exactes et garanties sans sources d'affabulation ! 😁)
Fleuret en acier inoxydable
Épilogue
Avec la collaboration et les dispositions prises par Monsieur le Maire LUTZ, les ossements du cimetière Saint Blaise ont été récupérés. Ils trouveront leur lieu de repos dans la chapelle du cimetière connue sous le nom de Garnert ou en ancien allemand « Kernert » (ossuaire), derrière la chapelle Sainte Marguerite.