Alors que des bombes tombent sur l'Europe. Quelques rares témoins oculaires se souviennent d'un évènement à Valff aujourd'hui oublié. L'un d'eux est Fernand JORDAN.

Fernand avait sept ans à l'époque. La mémoire de l'enfant terrifié, amplifiée par les angoisses des adultes, est durablement ancré dans ses souvenirs. Il raconte : « Alors que l'excitation de l'approche de la libération par les alliées nous galvanisait, deux bombes tombèrent sans préavis sur le village. Nous avions tous encore le souvenir douloureux des bombes qui avaient pulvérisé le bas-village le 6 septembre 1943, tuant deux personnes, dont un bébé que l'on repêcha dans la Kirneck, ainsi que quatre blessés.

La première bombe s'écrasa dans le Wihr, à l'emplacement de l'actuel jardin biblique. La deuxième dans le hangar à proximité de la maison Jordan où j'habitais avec mes parents. Fort heureusement, aucune d'elles n'explosa.

Difficile de connaitre la raison de ce bombardement. Valff était-elle devenue, le temps d'un instant, une cible d'opportunité ? Nous avons appris par la suite que les équipages des bombardiers anglo-américains avaient pour instruction que si la cible première n'avait pas pu être atteinte, le commandant avait le loisir de choisir une cible au choix. Il était hors de question de rentrer avec du lest inutile qui aurait raccourci et limité le temps de vol. Nous ne saurons peut-être jamais si l'avion largueur avait pour mission de couper la route au retrait de l'armée allemande.

Quelque temps après le largage, deux gendarmes allemands (Feldgendarme) vinrent inspecter les lieux. Ayant peur de bombes à retardement, ils restèrent sagement à distance. Ils décidèrent d'évacuer les civils des alentours et c'est ainsi que toute notre famille s'est retrouvée logée chez des proches du village. 

Le Wihr, les anciennes douves du château de Valff. Aujourd'hui jardin du Livre et terrain d'évènements et de pétanque

Le lendemain, les Feldgendarmes réquisitionnèrent des ouvriers alsaciens condamnés pour de petits délits mineurs (braconnage, vols …) et les transportèrent sur les lieux avec pour ordre de déterrer les engins. Pas diligents pour creuser, les prisonniers se retrouvèrent à passer la nuit dans notre maison, chez mes parents, dans l'ancienne ferme dîmière, située au coin de la rue de l'église et de la rue du moulin. 

L'opération pris un certain temps. Je me souviens que les pauvres n'étaient pas très coopératifs. Ils n'étaient nullement enthousiastes à travailler pour les allemands qui les surveillaient à distance pour ne pas risquer, si près de la libération, de se trouver à toquer à la porte de St-Pierre.

Les allemands, dans les derniers jours de guerre, avaient un besoin vital de tout ce qui pouvait leur servir à prolonger la guerre. Leurs usines étaient, les unes après les autres, réduites en cendres. Une fois désamorcées, on apprit, par la suite, que les bombes avaient été réutilisées dans la machinerie de guerre nazie. Après ces moments de curiosité innocente de l'enfant que j'étais, je me suis posé la question, maintes fois…, « et si les bombes avaient explosé ??? » 

Mémoires de Fernand JORDAN

Valff, 14 janvier 2024

Le mardi 9 janvier 1945, la petite Anne Victoria GAMB décèdera à quelques mètres de là, suite à un tir d'obus. La grange de la famille JORDAN sera lourdement endommagée.

Le bombardier

La chute de ces deux bombes, a-t-elle un lien avec l'avion bombardier Lancaster qui a largué ses obus à Niedernai, tuant un habitant du lieu ? La date, octobre ou novembre 1944, correspondrait, le plan de vol également. Pour plus d'informations concernant l'évènement et le bombardier, voir l'article sur la stèle de l'aire de repos de Niedernai !

Curiosité

À la lisière, à quelques mètres à l'intérieur de la forêt, entre la gravière et le ban de Niedernai (vers Meistratzheim), au lieu-dit Oberbruch, on peut voir trois cratères. De quoi s'agit-il ? D'anciennes sablières ? De bassins naturels ? D'autres cratères de bombes ? La question demeure.

Année après année, les anciens qui ont vécu ces événements nous quittent, et avec eux leurs souvenirs et leurs témoignages.

Remerciements à Fernand JORDAN

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.