Dans la première partie de la série qui retrace les articles de journaux alsaciens relatant la catastrophe du Titanic, nous avons relevé les détails révélés et les premières informations. Au fur et à mesure des nouvelles, de nouvelles scènes d'horreurs sont publiées. Revue de presse du Strasburger Neueste Nachricht, de l'Elsässer et du Strasburger Post.
Revue de presse
Le journal Elsässer du 17 avril 1912 commence à publier les noms d'Allemands se trouvant à bord. On apprend que des 325 passagers voyageant en 1ʳᵉ classe, 202 ont été secourus, des 285 de 2ᵉ classe on en a sauvé 114. Aucune mention des 3ᵉˢ classes, ni du personnel. On dévoile le patrimoine des millionnaires à bord :
Le diamant bleu
Le 18 avril, le journal l'Elsässer dévoile la présence sur le Titanic d'un diamant exceptionnel, le « diamant bleu ». Il se serait trouvé sur le bateau et aurait causé le malheur de tous ses anciens propriétaires. Sa valeur est estimée à 2 millions de Francs. Sa dernière propriétaire est la veuve du propriétaire du Washington Post, Evalyn Walsh MACLEAN (L'histoire du « Coeur de l'océan », reprise dans le film de James CAMERON, avait donc fait les gros titres déjà dans le journal alsacien).
Les nouvelles
L'équipage du Titanic aurait été prévenu de la présence d'icebergs quelques minutes avant la collision. On connait maintenant des circonstances au sujet de l'impact, que de la glace avait été projetée, sous l'effet du choc, sur le pont du navire et que quelques canots de sauvetage auraient été détruits. Le bureau de la White Star de New-York est submergé par des membres des familles pour recueillir des nouvelles de leurs proches. On distille de nouvelles révélations. Les médias se posent la question si la catastrophe ne serait pas la conséquence d'une course au record de traversée de l'Atlantique.
On loue l'invention du télégraphe sans fil (Le congrès à Berlin de 1905 a conclu à l'installation et l'utilisation sur tous les navires allemands de cette nouvelle invention. L'appel en morse « Komm Schnell Gefahr » ou en anglais « Save Our Souls ou Save Our Ship S.O.S. » est prioritaire. La société Marconi est leader sur le marché en concurrence avec Telefunken. En 1904 la société avait suggéré le code C.Q.D pour Come Quick Danger. Le signal SOS du Titanic marquera le début de l'harmonisation du message de danger.
Le 22 avril, on écarte l'information que le capitaine SMITH se serait suicidé. Il aurait finalement sombré avec son bateau. Les révélations d'un steward qui se trouvait sur le pont éclaire les derniers instants du capitaine. Il raconte : « Alors que le dernier canot avait été mis à l'eau, l'eau monta rapidement. J'ai aperçu le capitaine qui avait de l'eau jusqu'au genoux. Il nous cria : "Garçons ! Vous avez fait votre devoir. Je ne vous demande plus rien. Vous pouvez disposer et sauver votre vie. Vous connaissez la loi des mers, maintenant : chacun pour soi ! Dieu soit avec vous !" Il a pris dans ses bras un enfant en pleurs et a sauté avec lui dans la mer ». Un autre marin, chauffeur, aurait confirmé et ajouté que SMITH aurait nagé en direction d'un canot, monté l'enfant à bord et a refusé de monter lui-même à bord (Cette version n'a pas pu être confirmée). Le journal publie un article qui dévoile que SMITH n'avait pas grand chose à dire sur le bateau, le vrai « Roi du Titanic » était Bruce ISMAY, le Président de la White Star, qui contrairement à SMITH, a sauvé sa peau en prenant place dans un canot. C'est lui qui avait ordonné de mettre tout en oeuvre pour battre le record de traversée.
La passerelle de commandement
Le Pape a envoyé au Président américain William TAFT ses plus sincères condoléances. L'adjudant Major Archibald BUTT, membre de la Maison Blanche, qui a passé des vacances en Europe, fait partie des disparus.
Archibald BUTT en 1909
La Poste informe, qu'avec le naufrage du Titanic, on a perdu un total de 7 millions de lettres. A Londres, des associations ont récolté la somme de 75 000 Livres Sterling pour les sinistrés.
Les destins personnels
La famille ALISSON
Le journal révèle qu'une famille ALISON au complet se serait sacrifiée pour permettre à leur plus jeune fils de se sauver et ainsi préserver la descendance. Les faits : la famille ALISSON est d'origine canadienne. Hudson, le père, est courtier de banque. Il a embarqué avec son épouse Bessie, sa fille Loraine, 3 ans et son fils Trevor, 1 an. Au départ d'Angleterre, ils ont engagé une gouvernante, Alice KLEAVER, pour s'occuper de leur fils Trevor. Lorsque le navire fait naufrage, la gouvernante emporte le bébé avec elle dans un canot, laissant le reste de la famille chercher en vain l'enfant. Les trois membres restants refusant de se séparer coulent avec le navire. La jeune Loraine est le seul enfant des 1ère et 2ᵉ classes à disparaitre dans le naufrage.
L'écrivain William STEAD
Même si pratiquement personne en Alsace ne connait William STEAD, journaliste et écrivain, son nom apparait dans la liste des personnalités disparues.
La cathédrale de Strasbourg
Le journal propose aux lecteurs de s'imaginer que l'on puisse coucher la cathédrale de Strasbourg. Le paquebot Titanic fait une longueur de 250 mètres, la cathédrale 142 mètres. Si on les couchait côte à côte, le Titanic dépasserait encore de 108 mètres. Dans son éditorial du 19 avril, le journal l'Alsace raisonne : « Ils voulaient chercher leur bonheur en Amérique, le Titanic les a trahis ».
Les témoignages
Miss Marie MARVIN raconte comment son mari a été tué. « Un marin m'a arraché des bras de mon mari sans me laisser le temps de lui dire au revoir. Mon mari m'a crié que je devais me mettre en sécurité et qu'il me suivrait. J'ai été jetée dans le canot. J'ai aperçu mon mari qui tentait de me rejoindre. Un officier lui conseilla de s'abstenir. Alors qu'il voulait sauter à la mer, l'officier l'a abattu ».
Des femmes dénoncèrent le manque d'humanité de certains marins. Dans un canot rempli de 22 femmes et 2 marins, l'un d'eux a exigé qu'on lui remette une couverture prétextant qu'il avait froid. Ils n'ont pas réagi non plus lorsque les femmes leur ont signalé des naufragés dans l'eau. Le producteur de théâtre Henri HARRIS avait déjà pris place auprès de sa femme dans un canot. Un officier lui ordonna, en pointant son révolver vers lui : « Dehors ! Les femmes d'abord ». Il obtempéra en s'adressant à son épouse « Aurevoir ma chérie » et disparu pour toujours.
Le canot pliable, le dernier à avoir été mis à la mer, n'était rempli que de 24 personnes alors qu'il pouvait en embarquer 47. Après le naufrage, Irène, sa femme, réclamera une indemnisation de 1 million de dollars.
Lady Christina Duff GORDON, qui fut l'une des premières femmes à prendre place dans un canot, a raconté que la panique n'a envahi les passagers restants à bord qu'au moment où l'on fit descendre les dernières embarcations à la mer. Ils se seraient agrippés aux barques, des hommes voulant grimper dans le canot, mais ils en furent chassés par les coups de feu des officiers. Certains furent battus. Un homme qui voulait à tout prix monter à bord a été abattu.
Montée des rescapés sur le Carpathia
Lucy Christina DUFF GORDON est créatrice et noble britannique. On la soupçonnera, avec son mari, d'avoir acheté les marins de leur canot pour qu'ils ne retournent pas sur les lieux du naufrage pour repêcher des survivants. Passagers de la barque n°1, cette dernière n'était remplie que de 12 personnes sur un total de 40 places disponibles. Elle dira que cet évènement reste « brumeux » dans son esprit. La même année, elle ouvrira une boutique « Lucile » à Paris qui connaitra un grand succès.
Thomas DONNIT, un jeune irlandais, raconte qu'il a sauté à la mer. Lorsqu'il a rejoint une embarcation à la nage, il a été repoussé par ses occupants. Le même sort lui est réservé avec un deuxième canot. Finalement, il a été repêché par un troisième bateau dans lequel se trouvaient deux filles irlandaises qui l'on hissé à bord. Le Daily Chronicle écrit la nouvelle provenant du Carpathia que sept bébés de moins de deux ans seraient à bord. On ne connait pas l'identité des parents. Les malheureux ont été jetés dans les canots.
Portrait dans le journal l'Elsässer de Bruce ISMAY
Le directeur ISMAY reconnait que le navire avançait à la vitesse de 21 nœuds (39 km/h) lors de l'impact. Le quartier-maître MOODY témoigne que l'officier WILDE s'est suicidé avec son révolver sur la passerelle de commandement.
L'équipage (source)
Les dépêches
Quotidiennement, de nouvelles dépêches arrivent dans les bureaux des médias. Voici un aperçu chronologique des nouvelles :
- Alors que les barques sont mises à la mer, deux tiers des passagers attendent calmement sur le pont pour être évacués. Quelques minutes auparavant, certains curieux qui étaient montés sur le pont pour se renseigner de ce que signifiait le choc qu'ils avaient ressenti s'entendent dire « Rien ». Un autre marin plaisante « On a heurté une baleine et on l'a coupé en deux ! ». De précieuses minutes s'écoulent ...
- Six femmes refusent d'embarquer et préfèrent mourir avec leurs maris. Une dame refuse d'embarquer sans son chien. Beaucoup croient encore à la publicité qui affirme que le navire est insubmersible. Certaines femmes sont évacuées de force. Quand on a compris que le bateau allait couler, des scènes poignantes accablent les plus impassibles : des hommes pleurent, des femmes s'évanouissent, des enfants sont écrasés. Les lumières du navire passent au rouge. Lorsqu'il sombre, il entraîne avec lui un grand nombre de personnes pataugeant dans l'eau. Peu survivent dans l'eau glaciale. Une dizaine de rescapés décèdent d'épuisement à bord du Carpathia. D'autres ne parlent plus ou restent figés ou hébétés, le choc est profond.
Les lecteurs des journaux s'arrachent les dernières informations. Chaque jour de nouvelles révélations sont publiées.
SS Carpathia
Le navire California
Le cargo California précédait la route du Titanic. A 22h55, le radio Cyril EWANS prévient le Titanic de la présence d'icebergs. L'opérateur PHILIPPS du Titanic demande au radio EWANS de se taire, car il doit envoyer les messages personnels des passagers. A 23h30, EWANS éteint sa radio et va se coucher. Le troisième officier et le capitaine croient apercevoir au loin des lumières. Ils se manifestent à l'aide de lampes torches. Aucune réponse ne leur parvient. Les lumières s'éteignent. Ils ne s'alertent pas non plus à la vue des fusées de détresses. Le capitaine LORD reconnait que s'il avait été correctement informé, il aurait pu sauver les survivants du Titanic. A cause des blocs de glace qui entravaient son avancée, il avait ordonné de stopper les moteurs. Ce n'est que le lendemain matin qu'il est informé par le Virginia de la catastrophe.
Capitaine Stanley LORD
Les commissions d'enquêtes
Des commissions d'enquêtes sont créées pour faire la lumière sur les circonstances de la catastrophe. Un marin témoigne que le personnel ne disposait pas de longues vues. Les vigiles ayant fait la demande au capitaine, il leur aurait fait parvenir la réponse : « Il n'y en a pas ! ».
L'horreur
Des passagers du navire Bremen qui s'était dérouté pour venir au secours d'éventuels survivants ont confié qu'ils ont vu les cadavres flotter dans l'eau. Ils ont ainsi aperçu avec horreur une femme morte qui tenait encore un enfant inerte dans chaque bras ou ce couple qui s'était serré l'un contre l'autre avant de périr. Ils ont vu trois autres cadavres qui étaient encore accrochés à une chaise pliable. Près d'une centaine de dépouilles flottaient ainsi à la surface, toutes habillées de leur gilet de sauvetage.
Envie de découvrir plus de détails et de connaitre les noms des alsaciens présents sur le Titanic ? Alors ne manquez pas le troisième volet de cette série !
Les autres parties :
Sources :
- Gallica
- titanic.pagesperso-orange.fr