Affichages : 7352

La chasse aux sorcières est la poursuite, la persécution et la condamnation de personnes accusées de pratiquer la sorcellerie. Impensable aujourd'hui, réalité dans le passé… et même à Valff. Note de l'auteur : Les informations qui vont suivre m'ont laissé, lors de l'étude et la traduction du texte original, un sentiment de malaise et de dégoût. La cruauté et l'obscurantisme de l'époque dénotent un aspect des plus vils de la personnalité humaine.

La procédure d'inquisition

Inquisition, définition : question, recherche, enquête poussée et indiscrète. Le Malefitzbuch de Niedernai retrace les procès en sorcellerie durant la période du début du 17ᵉ siècle. Un greffier notait les actions, les questions et les réponses. Le bourreau usait de son savoir-faire pour extirper tous les aveux nécessaires à l'établissement de la vérité… enfin, pensait-on. Les affaires de sorcellerie se reliaient par aveux des accusé(e)s des villages catholiques aux alentours (Zellwiller, Meistratzheim et Niedernai, Valff). Le Malefitzbuch (livre des maléfices) de Niedernai commencé en 1580, renferme le compte-rendu des procès de 26 personnes de Meistratzheim, 20 de Valff et 5 de Zellwiller. Dans le Malefitzbuch d'Andlau du XVIe siècle sont cités 16 autres procédures de personnes de Valff.

Le contexte

On note deux vagues principales de chasse aux sorcières en Alsace et en Europe. Vers la fin du XVIe siècle et aux alentours de 1630 et jusqu'en 1680. Ces périodes se déroulent dans un contexte de guerres, des pestes et des dérèglements climatiques. On estime à près de 100 000 procès dont les trois quarts ont fini en exécution et dont les deux tiers étaient des femmes. C'est un phénomène qui toucha essentiellement le monde rural. Les instigateurs et les exécuteurs : des pervers, des misogynes, « la mauvaise herbe » de la chrétienté, et tout au nom de Dieu.

Suite à une accusation (réelle ou imaginaire) ou un aveu, la personne suspecte était interrogée et confondue à son accusateur. Malheur pour les nommés, étaient les aveux lors de séances de tortures. Autre arme psychologique : le sentimentalisme. Dans le cas des Seigneurs de Landsberg, le greffier a noté que les nobles suppliaient les accusées… avec amour et bonté, car désirant leur bien.

« La sorcière », huile sur toile de Jean-François PORTAELS VILVORTE, 1818

La recherche de la marque du diable

Un grain de beauté ou un angiome (de préférence sur l'épaule gauche) était révélateur d'une liaison avec le méchant. On le piquait avec une aiguille. Si le sang ne coulait pas, la marque était démoniaque. Catharina MEISTRATZHEIM fut doublement coupable parce qu'elle ne ressentit aucune douleur à la piqûre, mais aussi parce qu'on ne trouva aucun poil sous ses bras ! Il ne fallait pas se raser !

La torture

Elle était laissée au savoir-faire du bourreau. L'accusée, parfois tondue et rasée, était en plus épilée avec de l'alcool enflammé. Le plus dur de la torture consistait en une séance d'élongation du corps par pendaison avec système de treuil, et si cela ne suffisait pas, on lestait les pieds de pierres.

À Niedernai, le bourreau attachait sa cliente par les pieds sur une planche et la suspendait pendant des heures (maximum conseillé : deux heures, une séance le matin et une l'après-midi). S'il ne voyait pas de la bonne volonté, il attachait un contrepoids de pierre. Plus vite elle avouait, plus vite, il pouvait rentrer à la maison !

Début du compte-rendu de l'interrogatoire d'Odile VIXT

Odilia LINDMAN de Meistratzheim sera suspendue pendant cinq heures avec deux pierres aux pieds sans avouer. Lorsque la suppliciée désirait parler, elle était descendue et pouvait se reposer sur une chaise. Dans plusieurs cas à Niedernai, le greffier note que l'on a dû changer la chemise de l'accusée maculée par des vomissements et des fluides corporels.

Pour Odile VIXT , le bourreau fera même confectionner par le menuisier du lieu, une pièce de bois en croix munie de boulons pointus, parce qu'elle n'arrêtait pas de se rétracter des révélations de la veille. Elle sera torturée pendant onze jours consécutifs. Elle n'avouera que du bout des lèvres et cela qu'en présence d'un curé. Sa foi chrétienne lui imposait, inconcevable, l'idée d'être associée d'un qualificatif de sorcière. Même le greffier s'en trouvera troublé. Son écriture se présentera, au fil des jours, de plus en plus illisible, jalonnée de ratures et de taches. Son écriture dévoile, même après tant de siècles, ses sentiments troublés.

Les aveux

L'interrogatoire débutait par des questions au sujet des premières rencontres avec le méchant. Les femmes les plus récalcitrantes finissaient par reconnaître, torture aidant, que le démon « s'était transformé » dans la ressemblance de leur mari, de leur fiancé ou tout autre homme dans le but de consommer des relations sexuelles. Le diable ordonnait souvent de renier Dieu et tous les saints ou de profaner l'hostie. Suivait le mariage sabbatique avec l'amant des ténèbres. C'est à cette occasion que leur était offert le pouvoir de tuer des humains ou des animaux. La destruction des récoltes par intempéries avec magie faisait partie de la panoplie de la parfaite sorcière. Le chaudron à potion était de mise.

Sorcières cuisinant un enfant (Dessin de 1608)

La rencontre avec le méchant

Appolonia KARCHER relate qu'un jour, en allant de sa maison à l'étable, un grand homme habillé de noir avec une longue barbe noire, lui imposa de tuer sa vache. De mémoire d'Appolonia, il avait l'aspect d'un pied de chaise par l'épaisseur et noir comme de la suie de cheminée. Trois jours après, il est revenu dans sa chambre sous la forme d'un chien noir et lui a demandé : « Es-tu là ? ». Comme elle refusa de renier Dieu et tous les saints, il l'a battu jusqu'à ce qu'elle obéisse. Encore trois jours plus tard, il est réapparu sous la forme d'une souris noire avec un grand pied d'oie. Il lui a ordonné de marcher dans ses empreintes avec son pied droit, puis de tuer sa belle fille (une personne saine d'esprit comprend aujourd'hui tout l'absurde de l'aveu, et pourtant à l'époque, ils étaient considérés comme véridiques et même recherchés !).

Eva ANSTED de Meistratzheim raconte que le diable s'est glissé dans son lit et a couché avec elle dans un corps semblable à celui de son mari, qui, en passant, était pendant ce temps au bistrot ! Le diable était froid comme de la glace…

Anna PFLEGER, la femme du Schultheis de Zellwiller, relate que le méchant est apparu dans la ressemblance de Georg ANDLAUER de Valff et lui a suggéré de faire des choses innommables. Le troisième jour, il est revenu et lui a imposé de l'accompagner dans un chariot fermé, tiré par quatre chiens, coiffés chacun d'une touffe de plumes vertes. Le voyage pris la direction d'une contrée lointaine pour célébrer leur mariage. Les chiens s'appelaient Peterle et Geiml. Son amant était habillé de noir et avait une jambe d'oie.

Pour les hommes, l'apparition se fait sous l'aspect d'une vierge séduisante et irrésistible ou d'un chien qui parle et qui suggère de pratiquer la bestialité, comme ce fut le cas pour Hans VOGT de Meistratzheim. Trois jours plus tard, dans le Oberholz entre Valff et Goxwiller, le diable est revenu lui demandant de renier Dieu et tous les saints, ce qu'il a refusé. Sur ce, le diable l'a tellement cogné qu'il saigna du nez. Pendant qu'il frappait, il l'a menacé de le morceler et de le manger. Pris de peur, il a consenti, puis le méchant lui a écrit des mots secrets sur le dos.

A suivre ...

Sources :

Autres récits :