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Lettre d'autorisation de réintroduction dans la religion catholique de Chrétien SCHWARZ par l'évêque Jean Pierre SAURINE

Un personnage de la commune haut en couleurs et fort cultivé fut sans conteste le curé André SCHECK. Prêtre pendant la période révolutionnaire il connu l'exil, puis le retour dans la douleur (plus de détails dans un article à paraître sur le thème de la Révolution). Une des qualités de cet homme d'église fut son zèle et son aptitude à convaincre. Il fut ainsi à l'origine de la conversion au culte catholique d'une famille entière juive dont les descendants fondèrent une grande banque à Barr (voir les articles sur la famille TAUFFLIEB). Il participa aussi à la conversion de la jeune juive Maria JESSLER (voir les articles sur la famille de Marie Anne Joséphine JESSLER), ainsi que d'un certain Chrétien SCHWARTZ, protestant.

Stèle commémorative du curé André SCHECK dans le cimetière de Valff

C'est l'histoire de ce dernier que nous allons raconter. Après que le curé SCHECK refusa de prêter serment au gouvernement révolutionnaire, il fut contraint de fuir pour sauver sa vie en se réfugiant au pays de Bade. A son retour, dans ses maigres bagages, il garda des contacts et notamment ramena avec lui un certain Chrétien SCHWARTZ de parents et de confession protestante, qu'il convertit au catholicisme. Mais la foi peut parfois être vacillante et Chrétien SCHWARTZ rechuta et s'adonna de nouveau au culte protestant. Il sera excommunié.

Acte de réintégration de Christian Schwartz dans la confession catholique (1810)

SCHECK écrira plus tard (avec l'aimable concours pour la traduction de Christian VERDIER de Généanet) : « Le 19 mai 1810, après avoir reçu au préalable une instruction suffisante dans la foi orthodoxe, et abjuré la secte de LUTHER, a fait librement et publiquement profession de la foi catholique apostolique et romaine selon la formule donnée par notre Très Saint Père le pape PIE IV, Christian SCHWARTZ, forgeron de profession, âgé de 29 ans et presque 9 mois, habitant dans une ruine devant le porche de l'église, après avoir alterné par des allers retours d'une confession à l'autre, fils célibataire des époux luthériens Philippe SCHWARTZ, citoyen agriculteur et Marie Salomée MAYER, demeurant à Scherzheim situé de l'autre côté du Rhin dans l'état de Baden-Baden, par moi, soussigné, administrateur de l'église succursale de Walff, André SCHECK (avec l'autorisation que m'a accordée le révérendissime Monseigneur Jean Pierre SAURINE, évêque de Strasbourg), a été délié du lien d'excommunication par lequel il était tenu à cause de l'hérésie, et a été réintégré dans le sein de notre Sainte Mère l'Eglise et dans la communauté et la communion des fidèles et la participation aux sacrements, en présence des témoins Joseph SAETTEL, citoyen et forgeron, Guillaume KLEIBER, négociant en tabac, Jean baptiste MULLER, Louis JORDAN, tous ces trois (derniers) célibataires fils légitimes de famille, avec Joseph SAETTEL, demeurant à Valff, qui tous avec le nouveau converti et moi administrateur de Valff  ont soussigné ».

Les numéros de maisons anciens ne correspondent peut-être plus aux numéros actuels

Après sa réintégration SCHWARTZ vivra encore quelques temps au n°119, foyer de son confrère Florent HIRTZ, maréchal ferrant comme lui, puis quittera le village pour toujours. Quelques remarques sur les enjeux et la portée de ce texte de réintroduction :

  1. L'hérésie étant considérée comme une faute gravissime, il n'est pas, sur le plan canonique et théologique, de la compétence de n'importe quel prêtre de l'absoudre.
  2. Seul peut absoudre du péché d'hérésie l'évêque ... ou son mandataire, et le mandat doit être dans ce cas établi par écrit. C'est le cas présent.
  3. En période de prolifération des hérétiques, et donc de cas potentiels d'abjurations, l'évêque à lui seul ne peut traiter tous les cas d'abjuration et se voit alors obligé de déléguer aux curés concernés ses prérogatives en matière d'absolution d'hérésie.
  4. En principe seul un prêtre ayant le titre de docteur en théologie peut recevoir ces actes abjurations. En effet, préalablement à la cérémonie d'abjuration, il faut s'assurer que l'abjurant ait une bonne connaissance de la doctrine catholique apostolique et romaine, et c'est pourquoi cet examen doit être conduit par une personne compétente (un docteur en théologie). Cependant  l'évêque, faute de personne dite compétente disponible, peut accorder à tout curé, même s'il n'est pas docteur en théologie, l'autorisation de recevoir ces abjurations.

Sources : Archives paroissiales de Valff