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« Les Livres de la Bible hystoriaus » de Pierre LE MANGEUR 

La préhistoire

Ce n'est qu'à partir de la victoire de CLOVIS sue les Alamans (496) qu'on trouve des renseignements dans les archives concernant la musique et le chant en Alsace. Jusqu'à la fin du Ve siècle la liturgie était l'affaire du peuple, de tout le monde, chant d'assemblée, celle-ci étant groupée autour de l'autel. Les premières écoles ouvertes au VIe et VIIe siècles à l'initiative des abbayes fondées par les moines irlandais et les bénédictins ou les évêques, les garçons y recevaient instruction (musique et chant en faisaient partie) et éducation. On leur enseignait, dès leur plus jeune âge, la grammaire en même temps que la musique pour bien les persuader que l'expression du son, dans l'art du chant, repose sur l'intelligence du texte.

Changement de cap au Moyen-Age

L'école canoniale de Murbach fut l'université de tout l'ordre des chanoines Réguliers de St Augustin et le Pape Urbain II. Grâce à ce dynamisme, musique et chant se portaient bien en Alsace. Pendant les XIIe et XIIIe siècles les écoles mattrisiennes traversent une grande crise. Pourtant grâce à des initiatives locales des chorales voient le jour. Ainsi nous lisons dans la chronique d'Obernai (A. GYSS) qu'une petite maîtrise, quelques écoliers sous la direction de leur instituteur, chantait la messe en 1297 dans la chapelle Notre-Dame.

De l'enseignement du chant

En 1301, le monastère d'Obersteigen fut transféré à Saverne. Dans ses murs vivait un moine, Conrad DE SAVERNE, devenu célèbre grâce à la publication de sa méthode de chant : « Kunst den Choralgesang trefflich zu singen » (1509). TWINGER de Koenigshoffen et WIMPFELING avaient un ami commun, Conrad. Ces trois prenaient au sérieux la restauration de la vie culturelle et cultuelle de leurs contemporains. La bourgeoisie et les corporations, avec l'aide de certains membres du clergé, prirent la relève. Les écoles paroissiales et communales ne tardèrent pas à voir le jour. Les éducateurs attachaient beaucoup d'importance à l'enseignement du chant. Souvent le curé était aussi le directeur d'école. Les enfants pauvres étaient particulièrement soutenus et encouragés. Au XIVe siècle les disciplines élémentaires peuvent se résumer par quatre verbes : lire, écrire, calculer et chanter.

Dans les petites villes on chante

A Obernai, on signale la chorale paroissiale à l'occasion de la Ste Cécile (1359) et la bénédiction de l'église « hors les murs » (1447). En 1624, la chorale accompagne vers le Mont Ste Odile la procession des reliques de Ste Eugénie, nièce de Ste Odile. A Rouffach, chaque soir le chœur d'école assure le chant du Salve Regina, A Ribeauvillé, le maître Heinrich KENEL de Guebwiller, doit assurer avec ses petits chanteurs toutes les grand'messes des fêtes de la paroisse ainsi que le Salve Regina chaque soir. Le maître devait diriger les chants et veiller à la bonne tenue des enfants dans le chœur et pendant le sermon. Dans d'autres villes il est question d'indemnisation des enfants chanteurs à l'occasion des messes chantées (Amt) ou des enterrements.

La Réforme et ses conséquences

Peu après 1520, plusieurs clercs de Strasbourg se mirent à enseigner la nouvelle doctrine. Parmi les chefs de file figuraient Mathieu ZELL de Kaysersberg et Martin BUCER de Sélestat. A leur programme figurait la suppression des chants latins car, disaient'ils, c'est une horreur de chanter et de prier devant Dieu sans comprendre le texte. C'est ainsi qu'à Strasbourg, on imprima très rapidement des recueils de prières et de chants en langue allemande, avec ou sans notes musicales. La participation de l'assemblée au chant liturgique était devenue une des priorités des réformateurs. Tous les instruments de musique, y compris l'orgue, sont bannis. C'est la fin des chantres, cantor, chœur de clercs et chœurs de garçons. Malgré les troubles et les vexations de toute sorte, parait en 1629 la première édition du « Strassburger Gesangbuch ». Le chant d'assemblée n'allait pas de soi : du moins pas dans les paroisses rurales. Dans un « Visitationsbericht » il ressort que le peuple refuse de participer au chant d'assemblée. Beaucoup de personnes qui pourraient chanter, ont honte de participer, en particulier les femmes.

Le chant d'église après la révolution

En 1764, la première chorale d'Alsace voit le jour à Mulhouse, « Collégium musicum ». La chorale deviendra plus tard le Chant Sacré de Mulhouse et existe toujours aujourd'hui. Cette date fait également figure du début de l'histoire pour l'Association des Sociétés Chorales d'Alsace.

Le culte catholique romain défendu, les matirises dissoutes, les fêtes chrétiennes et des saints remplacées par celles du calendrier républicain ... Cela dure dix ans ! Le peuple suit, acclame, puis déchante. Cependant le Concordat napoléonien ne cicatrice pas toutes les plaies morales et matérielles. Il faut attendre le dernier tiers du XIXe siècle pour voir s'établir des sociétés stabilisées. Pendant la révolution, livres de chant et partitions ont disparu. Les orgues ont souvent été détruits ou endommagées. Le chant à l'église dépend souvent de l'intérêt que lui porte le curé. Le chant de l'ordinaire de la messe, vêpres, complies, processions et dévotions est pris en charge par le « Laienchor » (chœur des laïcs), placé sous la direction de l'instituteur chargé de l'enseignement et de la discipline. Certains « magister » annoncent même avoir 13 choristes capables de lire la musique. Ces directeurs-organistes sont souvent rémunérés par le Conseil de Fabrique de la paroisse. Tout semblait aller pour le mieux lorsque l'évêque convoqua WACKENTHALER, le maître de chapelle, le 20 août 1824, pour lui interdire les messes avec orchestre ainsi que la participation des dames au chœur. Motif : ces dames provoquent le scandale. Les fidèles n'ont d'yeux que pour elles. Réponse du maître de chapelle : toutes ces demoiselles sont issues de familles fort respectables. Rien n'y fit.

On recruta les garçons au Petit Séminaire pour combler le vide. En 1851 parait une nouvelle édition, le « Strassburger Dieszesangesaneuch ». De l'édition de 1659 on ne retrouve que deux cantiques. Le répertoire évolue très vite. De tout coté naissent les « Sociétés de musique », « chœur harmonie », « Union musicale », « Gesangakademie », « Société Ste Cécile », « Concordia », « Société Orphéon ». On ne compte plus les concours et les manifestations musicales. L'édition d'anthologie des meilleures compositions pour chœur d'hommes connut un grand succès. Les femmes sont définitivement exclues du mouvement choral. Ces chœurs d'hommes sont fédérés dans l'Association des sociétés chorales d'Alsace le ter juin 1856. La guerre de 1870 marqua un coup d'arrêt dans la vie musicale.

L'état des chorales après 1870-71

L'après-guerre connut une intense activité en matière d'édition tant pour le chant d'église que pour la chanson populaire. Après les remous de la Révolution et les nombreuses guerres qui avaient mobilisé, voire tué beaucoup d'hommes, il faut reconstruire ... aussi le culte, et donc les chorales. Les paroisses rurales et de petites villes n'ont plus les moyens de faire de la polyphonie. Tout juste arrive-t-on à chanter quelques cantiques et chorals à 4 voix. La rupture avec la tradition musicale et liturgique se vérifie de jour en jour. Les chants liturgiques cèdent la place au cantique populaire. L'idée de créer l'Union Ste Cécile naquit à Thann. Elle vit le jour en 1882, grâce à la perspicacité de l'abbé Charles HAMM, nommé vicaire à la collégiale St Martin de Colmar cette même année. Le 21 septembre 1882 s'est constituée à Châtenois la Société alsacienne de musique religieuse.

La restauration cécilienne en Alsace

1870, année où l'Alsace passe sous administration allemande. Alimenté pour des courants de pensée réformateurs apparus des deux cotés du Rhin dès le début du XIXe siècle, le mouvement de la restauration de la musique sacrée en Alsace s'est toujours voulu original, refusant l'absorption par les mouvements nationaux, à cause des particularités alsaciennes. De nouvelles églises furent construites avec l'acquisition d'un orgue. Malheureusement l'organiste manque souvent de formation et les chantres, peu cultivés, maltraitent le latin et ne maîtrisent que difficilement la polyphonie. On assiste à la messe, on embellit les cérémonies, car la liturgie est perçue comme une représentation. La piété populaire trouve refuge dans les dévotions et les processions. Les fidèles comme les choristes chantent indistinctement en allemand et en français.

Le Männer-Gesangverein (MGV)

Avec la volonté de restaurer le chant d'église, le Cécilianisme très actif dans la plaine du Rhin, en pays de Bade et en Alsace, voulut ramener la chorale paroissiale au modèle de la « Schola Cantorum » romaine des voix d'hommes exécutant le chant grégorien. On commença par sortir du chœur, de la proximité de l'autel, les jeunes filles (Chorjungfrauen). Le nombre de garçons devant remplacer les jeunes filles étant bien souvent insuffisant, le chœur d'hommes se constitue par la force des choses. Avec le chœur d'hommes disparaît donc la bonne chorale paroissiale qui malgré ses défauts, était totalement impliquée dans la célébration liturgique et faisait place à la participation de l'ensemble de l'assemblée.

L'Union Sainte Cécile du Diocèse de Strasbourg

En matière de musique religieuse on en était arrivé à la conviction qu'il y avait en Alsace beaucoup à améliorer et même à changer en cette seconde moitié du XIXe siècle. On a voulu relever le défi en fondant la « Société alsacienne de musique religieuse » (l'Union Ste Cécile d'aujourd'hui). Le mouvement de la restauration était lancé. Après les lettres circulaires de 1897 aux doyens, après la volonté plusieurs fois affirmée des Assemblées Générales de mettre en place des responsables cantonaux et d'encourager la formation de Sociétés chorales paroissiales, les demandes d'affiliation augmentent rapidement. Les chiffres ci-après décrivent la progression. Nombre d'affiliations de chorales paroissiales :

Les réunions cantonales

Peu à peu s'établit la coutume des réunions cantonales, grâce au travail des responsables locaux. Elle ont lieu généralement l'après-midi; elles débutent par le défilé du cortège des participants vers l'église à travers le village en fête. Après une répétition d'ensemble, les différentes chorales interprètent l'une après l'autre soit une pièce grégorienne, soit un motet en polyphonie, quelquefois les deux. Certaines fois une appréciation critique avec des conseils est remise aux directeurs ; dans d'autres cas un responsable compétent tire les leçons et les conclusions de l'événement devant les directeurs réunis. Puis c'est le Salut solennel, avec des motets d'ensemble. A présent, on quitte l'église en cortège pour un lieu convenable, et c'est la fête populaire, témoignage de l'enracinement prôné par Charles HAMM.